DÉBORAH HEISSLER

Smorzando



Prélude de Debussy, « Des pas sur la neige » qu’on peut écouter ici


Pas sur la neige. Blancs sur les jeux d’ombres qui découpent une silhouette. Pas. Un oiseau. Sur la neige. Il a fallu s’arrêter. Evaluer. Et estimer. Et je sais que je ne suis pas là par hasard, derrière l’obturateur il y a un œil qui lui aussi scrute. Frôle. Effleure.

oubli  —  et n’oublie pas la nuit
l’abîme à dire

Et de là donner le départ. On entend ce qui sonne. Debussy. Ce qui crie. L’oiseau bousculé, qui se crispe et balance.

rien sinon le chant que nul
n’a chanté

— mesure 28 dans les pas, la neige —  inscrite cette petite phrase qui m’indique comme une direction.  Et je sais qu’il y a là des sommets comme une avancé de bleu sur la neige. Ce n’est pas là une histoire d’image uniquement ou d’absence d’image, ce rythme écrit Debussy dans la première mesure, doit avoir la valeur sonore d’un fond de paysage triste et glacé.

J’ai sous les yeux — mesure 28 — un paysage qui sera triste et glacé. Je vois ces petites pattes d’oiseaux insistantes expressives et douloureuses —, là où d’autres savent qu’il va falloir faire avec, frapper pour que la corde vibre.

Pas sur la neige

Possible que cet oiseau là se brûle les pattes, morendo très lentement, mesure 34 où vous n’entendrez plus qu’une chute de pluie fine.


Text and photo by Déborah Heissler